Mise à jour : avril 2024
Samedi 7 octobre 2023, une dizaine d’administrateurs d’ArchéoJuraSites ont visité l'exposition Sacré Mormont ! à Lausanne
Organisée par les musées du Palais de Rumine, l’exposition propose de rendre compte de l’état des connaissances archéologiques, géologiques et biologiques, ainsi que des questionnements que pose encore le Mormont. Elle invite le visiteur à enquêter aux côtés des experts afin de réfléchir et tenter de comprendre ce site.
La colline du Mormont, lieu singulier du paysage vaudois
Situé à mi-distance entre les lacs Léman et celui de Neuchâtel, ce promontoire rocheux marque profondément le paysage du plateau suisse. Surplombant de 150 m le Nozon et la Vénoge qui s’écoulent dans des directions opposées, il se trouve sur la ligne de partage des eaux entre le bassin du Rhin, vers la mer du Nord, et celui du Rhône, vers la Méditerrannée.
Le calcaire qui compose la colline a contribué à la destinée du lieu. Il a favorisé le développement d’une biodiversité riche et étonnante, qui fait du Mormont un site naturel tout à fait remarquable. Depuis 1953, ce calcaire est intensivement exploité par la cimenterie Holcim, qui satisfait 20 % de la consommation du pays en ciment.
Dans les années 2000, l’accélération de l’exploitation de calcaire pousse les archéologues à effectuer des sondages préventifs, puis à partir de 2006, chaque nouvelle zone destinée à être excavée est systématiquement fouillée.
L’exploitation progressive de la colline suscite depuis plusieurs années un débat quant à son impact sur le paysage et la biodiversité.
Chronique d’une découverte exceptionnelle
En 2006, la colline du Mormont acquiert une renommée européenne à la suite de la découverte tout à fait inattendue, par les archéologues, de centaines de fosses creusées dans le sol et recelant d’exceptionnels dépôts.
Les fouilles révèlent une occupation de grande ampleur de la fin du Second âge du fer, vers 100 av. notre ère. Les vestiges témoignent d’activités multiples et souvent énigmatiques, bien différentes de celles traditionnellement rencontrées sur les sites de cette période.
Depuis 17 ans, les archéologues mobilisent diverses techniques d’investigation pour tenter de percer les mystères du Mormont. Pourtant aujourd’hui encore, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Comment interpréter les traces d’activités humaines sur ce site qui demeure sans comparaison dans le monde celtique ? Qui étaient les hommes et les femmes qui l’ont fréquenté ? Que s’est-il vraiment passé au Mormont, il y a plus de 2100 ans ? En 2023, que peut-on dire et comprendre du Mormont ?
Cette exposition fait le point sur cette enquête en cours et dévoile les interrogations et méthodes de recherche des archéologues.
« On n'est pas dans un site d’habitat, on n’a pas de trouvailles domestiques, pas de maisons, pas de greniers, pas de dépotoirs, on n'est pas non plus dans un site à vocation funéraire, on n'est pas dans une nécropole. On a vraiment le plus grand sanctuaire du territoire des Helvètes et un des plus grands sanctuaires qu’on connaisse dans le monde celtique. » 2007
« La colline du Mormont pourrait être une sorte de refuge , sur lequel la population régionale avait trouvé refuge le temps de périodes troublées, pour échapper à des soucis dans leurs villages ou leurs fermes qui devaient peupler les environs du Mormont. » 2019
Gilbert KAENEL, ancien directeur du MCAH
« La diversité des traitements que j’observe sur l’humain m’interpelle. Les restes de ces défunts, entiers ou morcelés, semblent participer à des cérémonies, des rituels, sans qu’on puisse affirmer que ces évènements soient organisés autour d’eux, ni même qu’il y jouent un rôle central. Pour moi, on est dans autre chose qu’un site funéraire. » 2021
Audrey GALLAY, anthropologue
« Est-ce que le Mormont ne serait pas une sorte de dépôt particulier ? Tout de même, le fait qu’il soit sur la ligne de partage des eaux entre le Rhône et le Rhin, n’est pas indifférent pour l’aspect religieux. » 2021
Olivier BUSCHSENSCHUTZ, Directeur de recherche émérite au CNRS
« L’activité du site du Mormont se place au début d’une longue période très mouvementée qui se prolongera jusqu’à la guerre des Gaules incluse. C’est le moment où divers peuples du nord de l’Europe se mettent en mouvement, selon plusieurs antiques. C’est aussi le moment où les sites fortifiés (oppida) apparaissent en nombre, à l’instar de celui tout proche d’Yverdon précisément daté de 80 av. n. ère.
Ce contexte invite à penser que le Mormont témoigne à sa manière de cette crise qui, peut-être, voit la constitution du peuple helvète entre Alpes et Jura » 2022
Vincent GUICHARD, Directeur général de Bibracte
À ÉCOUTER Le mystère du Mormont, espace sacré des Helvètes ?
Émission Carbone 14, le magazine de l'archéologie sur France Culture, 03.06.23
Avec Lionel Pernet, directeur du MCAH et Claudia Nitu archéologue responsable des fouilles.
Les textes et images proviennent uniquement de l'exposition