Le quartier se caractérise par une organisation très structurée, mise en place dès le milieu du Ier siècle et qui ne sera plus modifiée.
Chaque ensemble est séparé des voisins par des espaces ou des cours.
Tout à l'intérieur des bâtiments est agencé pour une correspondance avec l'extérieur par les façades méridionales et septentrionales. Les liaisons latérales sont l'exception.
Le mode de construction et les matériaux employés reflètent une implantation en fonction d'un niveau de richesse, qui va croissant de l'est vers l'ouest. Les bâtiments semblent classés des plus sophistiqués vers les plus frustes. Même dans les bâtiments les plus riches, le décor est soigné mais demeure modeste ; ici, pas de marbre ou de mosaïques, mais des enduits peints et des sols en terrazzo ou des planchers.
L'organisation interne montre une grande imbrication des espaces de travail et des salles d'habitat. Les salles d'habitation sont petites, leurs sols sont en terrazzo et les murs sont couverts d'enduits peints. Les autres salles, aux sols en terre battue communiquent avec des sous-sols éclairées par deux soupiraux à ébrasement et comportant au moins une niche murale.
Agriculture, élevage, métallurgie, séchage et tabletterie sont les principales activités déterminées sur le site. La chasse et la cueillette jouent également des rôles importants, bien que secondaires.
L’agriculture est l'une des activités principales ; des meules à grains ont été découvertes dans tous les bâtiments, mais c'est surtout dans les bâtiments 1, 3 et 7 que cette activité est attestée par la présence de grains de céréales, dents de râteaux et aiguillons.
Dans la salle nord-ouest du bâtiment 3, de nombreuses graines carbonisées, témoins de l'activité agricole, ont été recueillies. Elles témoignent des cultures pratiquées, portant essentiellement sur des plantes alimentaires : blé, amidonnier... Sur 88 graines étudiées, 46 correspondent à la culture du blé compact, 31 à du blé tendre (Triticum aestivo-compactum Schiemann, de la famille des blés tendres cultivés de nos jours (Triticum aestivum), et 11 à de l'avoine rude (Avena Strigosa).
La salle ne semble avoir eu qu'une fonction de stockage. Les graines, complètement calcinées, sont présentes sur toute sa surface, mais en quantité restreinte, ce qui laisse supposer un stockage en sacs et non en vrac.
Aucune structure correspondant à une aire de battage n'a été rencontrée au cours de la fouille.
L'élevage est prouvé par les découvertes d'ossements d'animaux, principalement rencontrés dans les cours. Aucune salle étudiée n’a fonction de bergerie, d'étable, de lieu .
Les os sont, en général, très fragmentés, et une nette prépondérance se dégage en faveur des os des pieds qui ont bien résisté du fait de leur forme plus compacte. Les traces de dépeçage sont courantes et de nombreux os ont été rongés par des chiens.
Les animaux d'élevage: moutons, chèvres et porcs, sont généralement abattus jeunes, en fin de croissance. Seuls quelques reproducteurs sont conservés, et les bêtes réformées forment exception.
Les fémurs, tibias, humérus, cotes, vertèbres, sont faiblement représentés, et cette disproportion par rapport aux autres restes osseux peut résulter de l'utilisation qui était faite des pièces de viandes correspondantes : salage, fumage et commercialisation.
Au début du Ier siècle, le mouton prédomine nettement. Il cohabite avec le porc. La chèvre, le bovin et le cheval. ne représentent qu'un petit nombre d'animaux.
Au IIème siècle, le porc est autant présent que le mouton, ce qui montre bien un changement des habitudes alimentaires.
Les animaux chassés sont divers : cerfs, grands cerfs, sangliers et chevreuils. Les cerfs prédominent nettement. Les bois sont surtout trouvés dans les caves où les trophées de chasse ont dû être conservés ; mais également dans les "ateliers" de tabletterie où ils ont été débités et travaillés. Les fragments travaillés consistent principalement en bois de cerfs, qui ont été débités et dont plusieurs exemplaires ont été abandonnés en cours de travail.
Les dents de cerfs et les défenses de sangliers ont été trouvées en nombre particulièrement important à proximité des installations de séchage, ou dans les salles de travail voisines, ce qui nous permet d'avancer que leur viande était traitée pour la conservation, au même titre que celle des animaux d'élevage. Quelques restes correspondent à d'autres espèces sauvages : loup, fouine, chevreuil. L'activité cynégétique est une activité qui contribue à fournir un appoint alimentaire, et la chair des gros animaux genre cerfs et sangliers est traitée et conservée. |
Les témoins de l'activité métallurgique sont rencontrés sous la forme de scories, laitier et minerai de fer (oxyde inclus dans une gangue calcaire et nodules ferreux), principalement dans la cour entre les bâtiments 6 et 7. Ils sont associés à des fragments de meules en pierre de Volvic, ce qui semble correspondre à une activité de réduction du minerai.
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Les éléments de tabletterie sont rencontrés dans 3 des bâtiments. Dans chacun, les découvertes sont concentrées dans une salle particulière (306, 403, 503), ce qui postule des lieux de production. Cette hypothèse est confirmée par la découverte d'objets en cours d'élaboration et de bois et os longs de cervidés en cours de débitage.
Cette production ne concerne que l'utilisation d'un sous-produit de la chasse. Il semble qu’il s’agisse d’une activité de complément qui emploie les sous-produits de la chasse au gros gibier. Cette production locale ne couvre pas l'intégralité des besoins des habitants et les objets plus sophistiqués, donc plus délicats à produire sont achetés à l'extérieur.
Les épingles, au nombre de 26, n'ont pas de décor figuré et sont de formes simples : têtes ovales, sphériques ou en fuseau aplati.
Parmi les 29 jetons trouvés sur le site, seuls 6 proviennent d'une salle de production. Il s'agit d'exemplaires en cours d'élaboration. Les décors des 23 autres exemplaires appartiennent en grande majorité à 2 types : empilement de cuvettes autour d'un mamelon central (6) et gravure de 3, 4 ou 5 cercles concentriques (10). Sept exemplaires ne sont pas ornés.
Les points des 6 dés rencontrés dans l'insulae sont marqués par des cercles ocellés, disposés selon l'usage encore en cours actuellement. Les cuillères en os et certains anneaux semblent provenir d'ateliers spécialisés.
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Dans le secteur fouillé en 1966-68, quatre séchoirs sont associés deux à deux. Les recherches, effectuées en 1991-92, ont permis la découverte de cinq installations complémentaires. Cet ensemble de neuf séchoirs prouve bien que cette activité dépassait largement les besoins des seuls habitants, et qu'il s'agissait plutôt d'un artisanat orienté vers le commerce avec les voyageurs empruntant les voies qui traversent l’agglomération et les pèlerins se rendant sur le sanctuaire voisin du Mont Rivel. |
Les séchoirs sont situés soit à l'intérieur des bâtiments, associés à une grande salle (de préparation ?) et à une cave, soit répartis autour d'une cour. La position des foyers frontaux n'est pas liée à l'orientation des vents.
Devant chaque ensemble, existe un foyer frontal composé d’une sole en terre argileuse ou de tegulae retournées, bordée de pierres sur chant.
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A proximité immédiate de chaque dispositif de séchage existent des foyers plats, formés de plaques de terre cuite ou d'une sole en argile, bordés de pierres sur chant. Il semble qu’ils avaient pour fonction de produire des braises, qui étaient récupérées et disposées sur le foyer frontal, ce qui montre bien qu'il s'agissait d'un séchoir et non d'un fumoir, puisque ce choix était dicté par la recherche d'une régulation maîtrisée de la chaleur et évitait de produire de la fumée.
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L'association étuvage-séchage semble particulièrement bien correspondre aux phases de dessiccation de viandes débitées en petits volumes ou de charcuteries comme des saucisses ou saucissons.
Les séchoirs les plus anciens ne présentent qu'un simple canal frontal. La datation du matériel associé permet de leur attribuer le deuxième quart du IIème siècle de notre ère comme période de construction.
L'abaissement du niveau du foyer frontal semble marquer un progrès intermédiaire, avant l'apparition des dispositifs avec canal en U, qui constituent l'évolution la plus récente des séchoirs présents sur le site. La datation du matériel et l'homogénéité de concept des dispositifs permettent de supposer une contemporanéité de construction dans la deuxième moitié du IIème siècle.
Dans le puits de la salle 302, de nombreux noyaux et graines ont été recueillis. Il s'agit aussi bien de témoins de la cueillette locale que de noyaux de fruits apportés d'autres contrées. Les plus nombreux sont ceux du prunellier, épine noire (Prunus Spinosa). du prunier (Prunus Mahaleb) et ceux du cerisier de Sainte-Lucie (noyaux plus petits que ceux du merisier). La forte représentation des noix entières et coques du noyer commun (Juglans Regia) ainsi que des coques de noisettes (noisetier ou coudrier - Corylus Avellana) montre bien l'importance de l'apport alimentaire complémentaire que pouvaient représenter ces fruits. Les noyaux du pêcher (Prunus Persica), peuvent correspondre à des fruits cueillis dans la région, comme à des achats. Les pêches, qui étaient alors nommées "Mala Persica" (pommes de Perse) ont été introduites en Gaule par les légions romaines.
Le puits a également livré des témoins de néflier (Mespilus Germanica), de charme (Carpinus) et d'épicéa.
La nature des fonctions rencontrées sur l'insulae permet de dresser le portrait d'une population vivant essentiellement de l'agriculture et de l'élevage, mais sans production de masse ni grands troupeaux.
La métallurgie est présente à l'est de l'insulae où un atelier traite le minerai de fer. Plusieurs petits ateliers de forge sont en relation avec les voyageurs et pèlerins qui empruntent la voie ; ils permettent la réparation et l'entretien des attelages. Le séchage est une activité particulièrement développée, dont la production devait nettement dépasser les seuls besoins des habitants de l'insulae, même pour la constitution de provisions pour la mauvaise saison. Il est possible que cet îlot ait été spécialisé dans le séchage et qu'il alimentait toute l’agglomération. Il est également envisageable que cette activité ait été également destinée à commercer avec le transit, ou à ravitailler les foules qui se réunissaient sur le sanctuaire du Mont Rivel.
Les activités annexes comme la cueillette et la chasse sont attestées. Elles reflètent un souci de tirer parti de toutes les ressources : les os longs et bois de cervidés sont utilisés pour la tabletterie et la viande du gros gibier semble traitée pour conservation dans les séchoirs. |
Ces activités ne reflètent pas un niveau de richesse important, mais sont la preuve de l'organisation d'une population laborieuse et ingénieuse, exploitant toutes les richesses du milieu naturel.